Le temps, une ressource non renouvelable

Image par Angelo Giordano de Pixabay

Certes, le temps file, nous presse mais n’est-il pas plus que jamais urgent de ralentir physiologiquement et psychologiquement ? Prenons-nous encore le temps de vivre, au rythme de la Terre ? Prenons-nous le temps de l’écouter et de nous écouter, les uns et les autres ?

« J’ai l’impression d’être devenu tôt un homme pressé, qui pense vite, qui agit vite« , déclare Bruno Doucey, dans les colonnes de La Croix. « J’ai éprouvé le besoin de faire une pause, d’interroger mon rapport au temps« , continue le poète, auteur d’un éloge de la lenteur. N’avons-nous pas l’impression que le temps file à grande vitesse et qu’il nous manque ? Dans nos conversations, le mot fatigue revient souvent. D’ailleurs, lorsque le professeur Pierre Philip du CHU de Bordeaux et chercheur au CNRS, spécialiste du sommeil, a dû répondre à la question : « Sommes-nous collectivement épuisés ?« , la réponse fut immédiate et clair : « Oui. » Nous avons l’impression que la vitesse nous gouverne, pour reprendre l’expression de Cécilia Dutter, romancière et essayiste ; que l’agitation est permanente. Notre hyperconnexion nous relie comme une chaîne de prisonnier à nos courriels, à nos SMS. Souvenons-nous du temps que l’on prenait pour écrire une lettre, la poster… Nous étions prêts à attendre quelques jours la réponse, auparavant. Aujourd’hui, le courriel exige une réponse immédiate.

Dans le tourbillon de la consommation

Dans son ouvrage Apprendre à ralentir – plaidoyer pour un monde apaisé (éditions Terre Vivante), Blaise Leclerc nous interpelle : « Ralentir est aussi l’une des clés pour changer nos vies actuelles, surtout lorsque nous sommes surmenés, stressés, emportés dans le tourbillon de la consommation et de la vitesse. » Il rappelle une notion fondamentale : le temps est une ressource non renouvelable. Finalement, le temps est un bien précieux dont nous gaspillons généreusement alors qu’il est irremplaçable. Avons-nous besoin de commander un livre pour le recevoir dans l’heure ? Constatons à quel rythme nous remplaçons nos objets électroniques, ordinateurs ou téléphones. Ne faut-il pas intégrer la notion de sobriété, c’est-à-dire la consommation de ce qui est nécessaire, et opter pour une simplicité volontaire ? Pour le docteur en neurosciences Sébastien Bohler, « ralentir n’est pas une option, c’est une nécessité« . Alors, comment faire ?

Nous avons oublié les bienfaits de la lenteur, de la patience. Pourtant, notre Terre nous le crie ! Suivons le rythme des saisons, dans notre assiette, mais aussi dans nos activités. Prenons le temps !

Dans un premier temps, nous pouvons réglementer notre usage des réseaux et des écrans. La surinformation, la surconsommation ne polluent pas uniquement notre Terre, mais aussi notre vie intérieure. Contemplons la nature, adoptons des moments de calme et de silence. Adoptons la lecture, car elle « nous fait entrer dans un autre temps« , nous susurre Bruno Doucey.

Vivre ensemble

Prendre soin de soi n’est pas de l’individualisme ou une contemplation de son reflet comme Narcisse. Apprendre à ralentir, c’est surtout privilégier de vrais moments avec les autres. Dans son dernier ouvrage Patience du quotidien, Cécilia Dutter nous propose de suivre l’exemple de Madeleine Delbrêl, c’est-à-dire de faire l’expérience de la rencontre et à prendre son temps pour écouter, échanger, accompagner. Enfin, il y a aussi l’amitié. Un ami est celui avec qui nous partageons du temps, des souvenirs, des rires et des larmes…

Retrouvons la source de notre vie ! Prenons le temps de nous reposer aussi en Dieu. Peut-être connaissez-vous ce refrain de Taizé : « Mon âme se repose en paix sur Dieu seul. De lui vient mon salut. Oui, sur Dieu seul, mon âme se repose. Se repose en paix. » D’ailleurs, Massillon pouvait dire : « Point de bonheur où il n’y a point de repos, et point de repos où Dieu n’est point.« 

Les premières chaleurs arrivent. Nous sentons déjà notre envie de lézarder au soleil ou sous l’ombre d’un arbre. Ne confondons plus l’urgent et l’essentiel, mais adoptons une vie plus réelle et plus humaine.

Publié dans Missio n°36 – juin 2022