Trois questions à Arnaud Hurel, historien, biographe du chanoine Henri Breuil
Qui était l’abbé Breuil préhistorien ?
L’abbé Henri Breuil a découvert la préhistoire et les grandes questions scientifiques de son temps, en particulier l’évolution des espèces, lors de ses études au séminaire Saint-Sulpice. Après son ordination (1900) puis sa licence ès sciences naturelles (1903), il a placé sa vie dans le respect d’une double vocation au service de la vérité, religieuse et scientifique. En 60 ans de carrière, Breuil a construit son magistère entre l’université de Fribourg (1905), l’Institut de paléontologie humaine (1911), le Collège de France (1929), puis l’Institut de France au sein de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (1938).
Qu’a apporté l’abbé Breuil à l’étude de la préhistoire ?
Lorsque Breuil fait le choix de la préhistoire, celle-ci demeure institutionnellement marginale et cherche encore à conforter sa légitimité scientifique. Adossé à de grandes institutions, l’abbé va réussir à devenir un préhistorien professionnel. À partir de 1902, il sera l’un des artisans décisifs de la reconnaissance de l’art pariétal paléolithique, domaine dans lequel il a tout ou presque inventé : techniques de relevés, vocabulaire, chronologie stylistique, interprétation d’essence ethnographique. Au-delà de cet univers symbolique préhistorique, Breuil a aussi joué un rôle majeur dans l’introduction de plus de complexité dans la compréhension des cultures matérielles paléolithiques.
Que reste-t-il aujourd’hui ?
Au premier chef, il nous reste un double de papier : plus d’un millier de références bibliographiques, des dizaines de mètres linéaires d’archives, des centaines de relevés. Sur le plan religieux, l’apologétique singulière de Breuil illustra la compatibilité entre les deux ordres de la connaissance que sont la science et la foi. Au plan scientifique, même si les problématiques, concepts et méthodes ne sont plus les mêmes, son œuvre demeure d’une réelle actualité en termes de matériaux pour la recherche en préhistoire et histoire.
Propos recueillis par Julien Serey
Publié dans Missio n°34 (édition Clermontoise) – décembre 2021