Loto du patrimoine, mission Bern, rapports parlementaires ou plans de sauvegarde : autant d’actions parmi d’autres qui attestent de la place importante que tient le patrimoine dans le cœur des Français. Au-delà de la pierre et des églises, principales concernées, c’est l’histoire d’hommes et de femmes que l’on souhaite transmettre aux générations futures.
15 avril 2019, Notre-Dame de Paris est en flammes. Chacun a été stupéfié par les images. Nous nous rappelons de l’effroi ressenti lorsque la flèche sombra dans le feu. Au-delà du symbole que représente la cathédrale, les Français affichent de plus en plus un attachement sincère à leur patrimoine. Dans les colonnes du Journal du dimanche (JDD), le 9 avril, la journaliste Marianne Enault recueillait l’alerte de Célia Vérot, directrice générale de la Fondation du patrimoine : « Après l’incendie de Notre-Dame de Paris, il y a eu une prise de conscience de la fragilité de nos trésors, mais il reste tant à faire. » Ce que confirme, dans le même journal, Stéphane Bern : « Il y a une prise de conscience. Mais que fait-on pour nos églises qui, comme Notre-Dame, ont neuf cents ans d’histoire ? C’est dans nos campagnes que la déréliction du patrimoine est le plus voyante. »
Selon un rapport parlementaire des sénateurs Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias, publié en juillet 2022, « 2000 à 5000 églises risqueraient de disparaître d’ici 2030 à cause du manque d’entretien ». 90% d’entre elles, précise le rapport, appartiennent aux communes.
Dans un récent entretien, l’évêque de Beauvais, Mgr Jacques Benoit-Gonnin, rappelait que, dans l’Oise, nous avons 621 églises encore affectées au culte catholique, dont une quinzaine seulement est la propriété de l’Eglise : « Ces églises sont un héritage commun à préserver. »
Pourquoi est-ce si important ? « Une église n’est pas un bâtiment comme un autre. C’est d’abord la foi des chrétiens qui l’a construite. Parce qu’elle est maison d’un Dieu qui veut demeurer parmi les hommes, elle devrait toujours être accessible. En outre, toute église porte une histoire, celle de nos aïeux. Une église de village est souvent comme son âme et sa mémoire. »
En 2025, la cathédrale de Beauvais fêtera les 800 ans de la pose de sa première pierre. L’édifice est une part de l’identité de la ville. Les habitants y sont attachés, ils ne sont pas les seuls, les professionnels également. Dans les colonnes du Figaro di 11 avril, le chef de la mission patrimoine du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) 60, Eric Feuillet racontait que les pompiers « ont acquis une conscience patrimoniale ». Ainsi, ils ont mis en place une application « IDU » pour améliorer l’efficacité des secours. Permettant d’accéder à des informations précieuses via un simple QR-code, l’outil décrit les œuvres à préserver, donne le plan du bâtiment… Dans l’Oise, 50 bâtiments sont équipés et à terme 450. Ce n’est pas la seule innovation : la dernière en date est un brumisateur à microgouttelettes en cas d’incendie des combles. La cathédrale de Beauvais et Notre-Dame de Paris devraient en être équipées.
Préserver le passé : un enjeu d’avenir
Sauvegarder le patrimoine n’est pas l’affaire de certains, mais bien de tous. « Laisser tomber le patrimoine religieux, c’est un aveu d’échec pour notre République, affirme Stéphane Bern dans le JDD ; une église qui tombe en ruine dans un village contribue à renforcer le sentiment de déclassement des habitants. Abandonner le patrimoine, c’est abandonner les citoyens. » Pour l’évêque de Beauvais : « Une église vit lorsqu’elle est ouverte. Je n’ai pas perdu l’espoir que les chrétiens s’investissent pour faire vivre les églises de leurs communes. » Et Mgr Jacques Benoit-Gonnin de proposer : « Nous [NDLR Etat, collectivités locales, Eglise] devons encore réfléchir à un usage plus large et respectueux des lieux. Au final, il s’agit d’inventer un avenir à ce patrimoine chargé d’histoire et qui n’a pas fini de vivre et d’aider à vivre. »
Publié dans Missio n°40, juin 2023