« La culture nourrit notre personnalité la plus intime »

source : wikipedia

Trois questions à M. Xavier Darcos, de l’Académie française, chancelier de l’Institut de France.

Georges Duhamel disait que « la culture est ce qui fait d’une journée de travail une journée de vie ». Qu’en pensez-vous ?

La formule que vous citez met l’accent sur un point essentiel : la culture n’est pas seulement une occupation ou un moment, c’est l’esprit et le sens qui animent ce que nous faisons. La culture nourrit notre personnalité la plus intime. Contemplez une fresque de Fra Angelico, visitez un monument ou relisez une pièce de Corneille : après tant d’hommes et de femmes, vous constaterez que l’œuvre vous parle à vous d’une façon personnelle. Votre voisin ou votre frère n’entendra ni ne verra la même chose. Cette expérience est comparable, me semble-t-il, à celle des croyants quand ils lisent les Ecritures.

Pourtant, pendant la pandémie, les lieux culturels si vivants ont été fermés.

Le contexte était totalement inédit. Mais les lieux culturels n’ont pas tous été fermés : les églises sont restées ouvertes. Et ce sont bien des lieux de culture, non seulement pour les chrétiens, mais pour tous ceux qui veulent s’y rendre pour admirer un vitrail, une statue ou trouver la forme de beauté qu’ils cherchent. J’ai été organiste, je sais qu’opposer culte et culture n’a guère de sens. La pandémie nous a appris à nous cultiver autrement. Je n’ai jamais pensé que le public risquerait de désapprendre, si l’on peut dire, à fréquenter les lieux culturels. Aujourd’hui, je suis optimiste.

L’Institut de France, dont vous êtes le chancelier, possède dans l’Oise deux magnifiques lieux : le domaine de Chantilly et celui de Chaalis. Quelle est la situation aujourd’hui ?

L’année écoulée a été très difficile, d’autant plus que l’Institut de France est indépendant de l’Etat : il n’avait pas a priori accès aux mêmes aides que les autres musées. Mais nous avons été entendus et nos activités reprennent résolument. Je suis sûr que le public sera au rendez-vous. La privation a créé une attente, l’heure est à la redécouverte. J’invite tous vos lecteurs à se réapproprier ces lieux exceptionnels que sont Chantilly et Chaalis, tant les parcs que les monuments, et tous les chefs-d’œuvre qui y sont exposés. Chacun y trouvera celui qui lui parle.

Propos recueillis par Julien Serey

Publié dans Missio n°32, juin 2021