Ce qui est essentiel

Dimanche dernier, mes deux garçons sont venus me voir en pleurs. J’ai pensé à une dispute entre les deux frères, mais j’ai été agréablement surpris par la raison. Mes enfants ont exprimé un manque essentiel à leurs vies : pouvoir contempler en vrai du beau ! Ils voulaient, pour l’un, se rendre au MuDo, pour l’autre, à Chantilly. Malheureusement, les musées – considérés à tort comme « non essentiels » – sont fermés.

La beauté de la création

J’aime assez la phrase de l’écrivain poète, et médecin, Georges Duhamel : « La culture est ce qui fait d’une journée de travail une journée de vie. » Le beau est ce qui nous unit, ce qui nous relie. Contempler une œuvre d’art ou simplement la beauté de la création nous remplit d’une joie, d’une émotion. Cela est essentiel.

Pourquoi ? Si la beauté nous unit entre les hommes, elle nous permet aussi un cœur à cœur avec Dieu. Celui qui en parle le mieux est l’immense acteur Michael Lonsdale : « La découverte de l’art, dans toutes ses dimensions, grâce au père Régamey, m’a prouvé qu’il fallait toujours créer une œuvre nouvelle. L’art pour moi est synonyme de la présence de Dieu et Dieu est neuf chaque matin […] Mais c’est à Paris, à l’atelier d’art sacré, puis au couvent Saint-Jacques chez les frères dominicains que j’ai rencontré Dieu, par la beauté de l’art, et j’ai demandé le baptême. En ce sens, Charles Péguy me touche, car il fait cohabiter l’art et la foi. C’est un chrétien novateur.« 

Ouvrons les musées !

Alors que la vie reprend avec le printemps, prenons le temps de nous arrêter dans une église… Vous y trouverez sans doute une statue, un vitrail, un tableau qui pourra vous toucher le cœur et, pourquoi pas, un temps de méditation, d’un dialogue avec Dieu. Dans le silence de la contemplation, laissons en nous chuchoter l’Evangile… Ce temps où l’on écoute de manière profonde le Seigneur. Ce moment si intime est essentiel à nos vies. Mais comme nous le dit Véronique de Boisséson, organisatrice de festival : « Les choses essentielles ne se font entendre que si on se met en position de les percevoir, de les écouter.« 

Nous avons à cœur que les musées et les salles de concert ouvrent de nouveau pour nous combler de beau, car nos vies manquent de cet essentiel. Oui, le beau nous sauve ! Dieu nous sauve ! Au matin de Pâques, Jésus a vaincu la mort, les forces du mal, le laid, pour nous sauver tous les hommes et toutes les femmes. Alors, ouvrons nos cœurs et contemplons.

J’aimerais pousser la hardiesse jusqu’à dire que la beauté, d’une certaine manière, justifie notre existence.

François Cheng

Publié dans Missio 31 (édition Oise Normande), mars 2021