Jeanne d’Arc à l’épreuve du bûcher

Le 16 mai 2020, l’Église a célébré le centenaire de la canonisation de Jeanne d’Arc. Comment une jeune bergère lorraine peut-elle encore nous parler aujourd’hui ?

Jeanne d’Arc a été faite prisonnière sous les remparts de Compiègne. Comment se consoler d’un si grand malheur ? La réponse nous est sans doute donnée par Paul Claudel dans un appendice de son oratorio Jeanne d’Arc au bûcher : « Pour comprendre une vie comme pour comprendre un paysage, il faut choisir un point de vue et il n’en est pas de meilleur que le sommet. Le sommet de la vie de Jeanne d’Arc, c’est sa mort, c’est le bûcher de Rouen. » Rien d’étonnant alors, qu’une autre jeune – qui deviendra elle aussi une grande sainte – ait révélé une grande dévotion à Jeanne d’Arc. Les archives du Carmel de Lisieux conservent à la fois des scénettes pour les récréations, mais aussi des photos de sœur Thérèse costumée en Jeanne d’Arc pour les jouer. Voici deux jeunes filles, qui vont accepter de mourir dans la souffrance pour le bien de tous.

Tout vient de Dieu


Dans sa lettre apostolique Divini amoris scientia (1997), le pape Jean-Paul II écrit au sujet de sainte Thérèse : « Par l’enfance spirituelle, on éprouve que tout vient de Dieu, que tout retourne à Lui, pour le salut de tous, dans un mystère d’amour miséricordieux. Tel est le message doctrinal enseigné et vécu par cette sainte. » Ces mots auraient pu être prononcés pour la bergère de Domrémy. Elle n’a que 13 ans lorsque saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite lui parlent. Elle ne fuit pas sa mission. Elle ose le oui jusqu’au bûcher, jusqu’à la sainteté. Dans l’oratorio de Claudel, Jeanne d’Arc a cette phrase : « Personne n’a un plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’il aime. » Donner sa vie par Amour, à l’exemple du Christ qui est mort sur la croix. Donner sa vie pour sauver, à l’exemple du Christ qui a vaincu les forces de la mort, est ressuscité le troisième jour pour sauver tous les hommes. Jeanne d’Arc accepte l’épreuve de la mort pour la France qu’elle aime en second car « Dieu, premier servi ». Claudel affirmera : « Ce que Jeanne n’a pu faire avec les armes, elle va le consommer avec son sang. Ce qu’elle a commencé avec cet insigne vexillaire à son poing de paysanne qui porte les noms de Jésus et de Marie, c’est l’oriflamme rouge du bûcher, jaillissant sous ses pieds comme un tourbillon d’ailes irrésistibles, qui va lui donner efficacité. C’est cette bouffée triomphale qui porte jusqu’aux pieds du Crucifié l’âme d’une victime innocente, c’est le souffle de feu purifiant et unificateur qui va rétablir et dégager les communications, qui va réapprendre à la France à respirer. »

Unifier la France

Jeanne d’Arc par sa mort réussir par deux fois au moins à réunifier la France. Au Moyen-Âge d’abord. Puis au début du XXe siècle. Le cardinal Coullié, évêque d’Orléans, dans un courrier à Léon XIII, s’interrogeait : « Je me demande si, à un moment donné, le seul souvenir de Jeanne d’Arc n’aurait pas la vertu de rallier tous les Français et ne deviendrait pas pour notre patrie un signe de salut. » Alors que le gouvernement de
la France est brouillé avec le Saint-Siège et bon nombre de catholiques, la canonisation de Jeanne d’Arc rétablit une certaine unité. La France se réconcilie. Sainte Jeanne d’Arc devient l’étendard de la France.

« Ô Jeanne sans sépulcre et sans portrait, toi qui savais que le tombeau des héros est le cœur des vivants, peu importent tes vingt mille statues, sans compter celles des églises : à tout ce pour quoi la France fut aimée, tu as donné ton visage inconnu. »
André Malraux, Fêtes Jeanne d’Arc, Rouen 31 mai 1964

Publié dans Echo n°70 – été 2020