Robert Schuman : la politique pour vocation

L’historien Ghislain Knepper vient de publier aux éditions Salvator un livre consacré à Robert Schuman que l’Eglise a reconnu comme vénérable en 2021.

Comment Robert Schuman concevait-il la politique ?

Ghislain Knepper. Avant de débuter sa carrière politique, Robert Schuman voyait la politique comme « une grande dame aux mœurs douteuses qui trop souvent compromet ses amis« . Sa vision n’était pas loin de celle que nous pouvons avoir aujourd’hui. Pourtant, c’est à l’appel du chanoine Collin qu’il décida de se présenter aux élections parlementaires en 1919. Il vivait la politique au sens où l’entendait Pie IX : « Le champ de la plus vaste charité après la religion. » Il ne chercha jamais à faire carrière, ni à servir ses intérêts personnels. Il concevait la politique comme une manière de servir le bien commun, comme un apostolat.

Robert Schuman a toujours cherché à être cohérent dans son engagement. Il fut un homme d’unité…

Robert Schuman a réussi la synthèse délicate entre le spirituel et le temporel : il a oeuvré comme un élu catholique à 100% en se soumettant, sans compromission, aux exigences du système républicain laïc. Il y avait chez lui une assimilation totale de l’homme public et de l’homme privé. C’était un homme profondément cohérent dans sa manière d’être et dans sa manière d’agir. Il ne traitait pas différemment un opposant ou un membre de son parti, il arborait la même courtoisie pour un ministre et pour un simple citoyen. Ce désir d’unité a présidé à sa manière de diriger la France de la IVe République et a trouvé son aboutissement dans le projet européen.

Profondément marqué par la guerre, Robert Schuman a voulu défendre la réconciliation et la paix. Est-ce pour cela qu’il s’est engagé en faveur de l’Europe ?

Robert Schuman a subi la pauvreté matérielle et intellectuelle pendant la Première Guerre mondiale, accompagné les réfugiés dans leur exil en 1939, a été incarcéré et a vécu plusieurs années dans la clandestinité suite à son évasion. Pour lui, la guerre était une absurdité et, très tôt, il eut le désir de construire la paix. Le projet européen en sera le moyen. A travers celui-ci, Robert Schuman et les autres pères de l’Europe, de sensibilité chrétienne démocrate, ont souhaité mettre sur les rails un projet de réconciliation des peuples fondé sur des valeurs communes qui puisent dans les racines chrétiennes de l’Europe.

Propos recueillis par Julien Serey

Publié dans Missio n°35 – avril 2022