Vivre et faire vivre

Peut-on imaginer vivre en faisant table rase du passé ? De notre histoire individuelle et collective ? Se souvenir, c’est vivre et faire vivre. Pendant la messe, l’Eglise, dont nous sommes, fait mémoire du Christ, ici et maintenant, pour notre salut.

Année après année, nous nous souvenons d’anniversaires, qu’ils soient de parents, d’amis, de célébrités disparues ou d’événements passés. En 2020, l’Eglise a rappelé le centenaire de la canonisation de Jeanne d’Arc, et nous nous préparons à vivre celui de la canonisation de sainte Thérèse de Lisieux en 2025. 2025, ce sera aussi l’occasion de fêter les 800 ans de la cathédrale de Beauvais, mais avant cela, en 2022, le bicentenaire du rétablissement du diocèse de Beauvais.

Chaque année, le 2 novembre, l’Eglise propose la commémoration des fidèles défunts. Pour beaucoup, cela signifie se rendre au cimetière pour honorer un proche, fleurir une tombe. Nous nous souvenons alors des bons, mais aussi des mauvais moments que nous partagés.

Commémorer, c’est se souvenir

Dans un tweet du 25 mai dernier, l’historien Eric Anceau écrivait : « Les seules commémorations recevables sont celles qui prennent en compte toutes les facettes de l’événement commémoré. » De nos jours, une conception militante, pour ne pas dire idéologique, de l’histoire se diffuse. Nous savons bien que la réalité est plus complexe, qu’il existe plusieurs lectures possibles des événements. « L’histoire permet toujours de mettre les faits en perspective et d’éviter de dire ou d’écrire n’importe quoi ! » nous confie l’historien, le 3 août dernier… toujours dans un tweet.

Au même titre que le français et les mathématiques, l’enseignement de l’histoire est un savoir fondamental. L’autre risque est la « déhistoricisation » des événements. Dans une tribune publiée dans La Croix du 7 juin dernier, Jean-Pascal Gay, professeur d’histoire du christianisme de l’Université catholique de Louvain, invitait tout à chacun à « renoncer aux déshistoricisations sur lesquelles reposent les positions militantes. » Concernant l’Eglise, il invitait à un réel exercice spirituel  » à tenir ensemble hagiographie et histoire, à penser la sainteté hors du fantasme de récits purs, à prendre acte de l’histoire d’une manière qui mette vraiment l’Eglise au service de la paix et de la réconciliation des mémoires. »

Rendre présent le passé

Qu’est-ce que faire mémoire dans l’Eglise ? « C’est se souvenir, pas seulement se rappeler le passé, mais le rendre présent« , nous propose l’Eglise catholique en France. Faire mémoire, ce n’est pas raconté une vie, mais y trouver un sens. C’est interroger ses racines, parfois même douloureuses. Pour les catholiques, la messe est l’expression de la mémoire du Christ et une actualisation (« ici et maintenant ») du salut, c’est-à-dire que nous faisons mémoire du Christ venu sur terre, mort sur la Croix pour sauver tous les hommes et toutes les femmes. Ce qui nous sauve : le Christ a vaincu la mort, est ressuscité et monté au Ciel. L’eucharistie est donc le rite mémorial, nous nous remémorons le passé – la mort et la résurrection du Christ – en venue de maintenant, notre propre salut.

Se souvenir des jolies choses, et des autres, est donc essentiel à nos vies. Elles sont nos racines, nous en sommes les fruits. Elles nous permettent d’avancer, de vivre.

Publié dans Missio n°33 – septembre 2021