Chacun a en mémoire ce qu’il faisait le soir du 15 avril 2019. Sans doute, vous rappelez-vous comment vous avez appris que Notre-Dame était la proie des flammes. Chacun a vu et revu ces images de la flèche tombée. Beaucoup ont alors pris conscience que notre patrimoine était en danger.
Il y a, avec le patrimoine naturel, un patrimoine historique, artistique et culturel, également menacé. » Le pape François, dans son encyclique Laudato si’ qui, finalement, n’est pas une encyclique verte mais bien une encyclique intégrale, s’alarme de l’état de l’écologie culturelle (paragraphes 143 à 146). S’il faut protéger la nature, il faut aussi protéger ces legs historiques et artistiques.
Pourquoi faut-il sauvegarder ce patrimoine ? « Il fait partie de l’identité commune d’un lieu et il est une base pour construire une ville habitable, écrit François. […] Il faut prendre en compte l’histoire, la culture et l’architecture d’un lieu, en maintenant son identité originale. » Pour le pape François, l’homme ne peut pas vivre sans la culture ; elle fait partie intégrante de ce qui constitue l’homme. « La disparition d’une culture peut être aussi grave ou plus grave que la disparition d’une espèce animale ou végétale. » Notre société tend à vouloir homogénéiser les cultures, or c’est la variété culturelle qui fait la vraie richesse de notre monde.
Restaurer la culture
Dans Notre-Dame de l’humanité (éditions Grasset), Adrien Goetz, historien de l’art et auteur, observe : « Ce qui émeut, à Notre-Dame, c’est la conscience collective de la fragilité de notre rapport au passé. C’est ce qui a parlé à toute l’humanité. » Pourtant, nous n’entretenons pas assez notre patrimoine, nous ne valorisons pas assez notre histoire commune. Nous le voyons à Beauvais comme à Crépy-en-Valois, mais aussi ailleurs. Les crédits ne sont pas suffisants. Cependant, l’argent ne fait pas tout.
Quel rapport avons-nous à notre patrimoine ? Savons-nous regarder nos églises et nos cathédrales ? Adrien Goetz s’inquiète : « Dans dix ans, il ne restera rien de ce qui aura été le grand mouvement de l’art religieux français du XIXe siècle, en peinture, en sculpture, en architecture.«
« Regarder vers le haut »
Pourtant, que peuvent comprendre trente mille visiteurs par jour dans la cathédrale Notre-Dame ? L’art permet de faire entendre un discours sur notre foi. « Aimer la beauté, être éloquent, c’est aider ses semblables à regarder vers le haut. » Historien et critique d’art, auteur de La théorie de la restauration, Cesare Brandi nous l’explique : « Rien ne sert de traiter les pierres si on ne s’occupe pas de leur environnement, de leur sens, du discours qui va être tenu sur elles, des offices et des visites guidées… »
Bénévole à l’association Beauvais cathédrale, Jean-François Madre partage ce discours : « Présent, de manière épisodique dans la cathédrale de Beauvais, je fais aussi, comme d’autres bénévoles des visites commentées à la demande ou de manière impromptue, en réponse à des questions de visiteurs. La tour lanterne de la croisée du transept qui s’est effondrée, quatre ans après sa réalisation, vient utilement nous rappeler que nos constructions humaines, si elles peuvent élever l’âme, sont fragiles et ne doivent pas devenir des objets de culte pour elles-mêmes, des « veaux d’or ». Je trouve particulièrement significatif et même heureux que la construction de notre cathédrale soit inachevée. L’achèvement final, comme pour toute vie, n’est qu’en Dieu. » A nous de consolider notre patrimoine et de lui permettre de donner tout son sens à l’humanité.
Publié dans Missio n°25 – septembre 2019