L’homme peut-il s’affranchir de l’homme ?

Quelle société voulons-nous ? Devons-nous avoir peur de l’intelligence artificielle, du transhumanisme ? Le développement des technologies interroge notre conscience. Avons-nous pris le temps d’y réfléchir ?

Avons-nous conscience que nos choix, nos désirs actuels révolutionnent l’avenir de notre société ? L’évolution de la législation sur la procréation assistée, la fin de la vie, l’intelligence artificielle redéfinit la place de l’homme dans notre société. Certains pourraient se dire : c’est le progrès, le sens de la marche du monde. Et si l’homme était obsolescent ? Arrêtons-nous cinq minutes sur cette réflexion. L’homme est capable aujourd’hui de produire des machines techniquement plus parfaites que l’être humain. Avons-nous alors encore besoin des hommes ? Pour reprendre une expression publiée dans le journal La Croix du 3 janvier 2018, notre « individualisme sans entrave » nous éloigne des autres. « Chacun revendique son « doit à » sans forcément prendre la mesure des conséquences de ses doléances pour le reste de la société. » prévient le professeur Didier Sicard dans le même numéro de La Croix. Peu importe les conséquences, ce qui compte c’est moi. Peu importe que dans l’avenir les robots remplacent les hommes puisque je jouis des biens qui sont les miens maintenant, de cet enfant que je voulais… Le 25 avril 2017, le pape François intervenait dans une conférence TED – ces conférences branchées de créateurs – où il appelait à la révolution de la tendresse. Il y rappelait que la vie n’existe que dans notre rapport à l’autre, aux autres. L’homme seul n’a pas de sens. Mais l’homme parmi ses semblables a un intérêt. Le Pape nous invitait à « dépasser cette « culture du déchet » qui ne s’applique pas qu’aux biens de consommation, mais d’abord et surtout aux hommes mis sur la touche par nos systèmes techno-économiques, qui privilégient les marchandises aux hommes. »

Quand l’homme devient la mesure de l’homme

Toute vie vaut-elle la peine d’être vécue ? Cette question est fondamentale. André Malraux dans Les Conquérants a écrit : « la vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie « . Tout est dit… ou presque. Les questions de bioéthique nous amènent à nous interroger, à organiser un devoir de s’asseoir (un tête-à-tête) avec notre propre conscience. Dans le droit français, mon corps est une chose, mais qu’en est-il de la conscience? La morale, considérée comme d’un autre temps, est exclue du « politiquement correct » pour reprendre la réflexion du professeur Jean-François Mattei, mais peut-on refuser les règles érigées par la nature et toutes formes de limites ? Ne réduisons pas notre conscience au silence, remettons l’homme au cœur de nos préoccupations ; comme le bon Samaritain prenons soin de nous mais aussi de notre prochain.

Et l’amour

C’est ensemble que nous devons construire notre avenir, pas individuellement en excluant les autres. Pour Dieu, chacun de nous est précieux; nous sommes tous irremplaçables pour notre Père. Nous sommes invités à mettre en oeuvre la révolution de la tendresse désirée par le Pape François où « l’amour est la source et le sens de la vie « . L’homme ne doit pas devenir une chose que l’on désire ou que l’on jette. Mettons-nous au niveau de l’autre et suivons le chemin de la tendresse. Apprenons à perdre du temps avec les plus fragiles, qu’ils soient malades, pauvres, vieux. Apprenons à nos enfants la valeur fondamentale de la gratuité et de l’amour.

Publié dans Echo n°48 – avril 2018