Dans notre société, le silence est suspect. Portable, courriel, Internet, nous sommes en permanence sollicités. Pour communiquer les uns les autres nous avons besoin de silence. Comme Dieu nous interpelle par son silence, comme en cette nuit de Noël où le Verbe s’est fait chair mais sans dire un mot…
« Pour un communicant, tu es bien silencieux. » Cette phrase m’a toujours désarçonné. Je dois bien l’avouer, je ne suis pas un grand bavard. Petit, j’étais même qualifié de timide. Adulte, j’exerce le métier de communicant et je ne suis pas davantage loquace. Cela intrigue. Le silence est suspect. Il faut s’en méfier.
Dans l’imaginaire collectif, la communication, comme le souligne le sociologue David Le Breton dans un entretien à Téléram, « rêve de connexion généralisée et instantanée de tous dans la transparence et la liquidation d’une intériorité perçue comme un abîme« .
Le silence nourrit, relie et fait grandir
Pour les jeunes non plus, le silence n’est pas naturel. Damien, 14 ans : « J’ai toujours besoin d’un bruit de fond. Si c’est tranquille, je ne supporte pas, je mets la télévision. » ou encore Louise, 16 ans : « Je ne supporte pas le silence, ça me stresse. » A l’heure numérique, le bruit envahit notre espace. Le silence est souillé par le vacarme permanent. Qui n’a pas pris un train sans être importuné par la musique de son voisin. Qui n’a pas été distrait par le bruit annonçant un message reçu? Pourquoi le silence fait-il si peur ? Il oblige à se retrouver face à soir, à se scruter. Nous ne savons plus faire. Il faut réapprendre à se débrancher de ce qui nous relie au monde. Des lieux, des temps nous y aident. Nous avons tous un lieu qui nous permet de respirer, de faire taire le brouhaha du monde. Parfois, celui-ci n’est pas à proximité de nos lieux de vie ; pourtant, il existe. Une forêt, une église sont une invitation à un recueillement puis au fur et à mesure à une intériorité. Cette pause nous nourrit, nous fait grandir, nous révèle à nous-même pour mieux accueillir l’autre.
Dans son Histoire du silence (édition Albin Michel), l’historien Alain Corbin commence par cette phrase : « Le silence n’est pas la simple absence de bruit. » En effet, il est aussi une écoute du monde, un émerveillement de son environnement. Évoquer le silence, c’est aussi faire l’éloge de la parole, du lien social. Cela peut paraître déroutant, et pourtant le silence nous invite à une rencontre véritable. Ecouter l’autre dans le silence, c’est lui montrer du respect, de la considération. Mais c’est aussi une école de l’humilité et de la simplicité. L’autre prend toute sa place dans ma vie. J’y suis attentif, je l’écoute. Le poète Maeterlinck a écrit : « N’est-ce pas le silence qui détermine et qui fixe la saveur de l’amour? S’il était privé de silence, l’amour n’aurait ni goût, ni parfums éternels.«
Un coeur à coeur avec Dieu
Dieu a choisi une nuit étoilée pour nous rejoindre. L’Enfant de la crèche a été accueillir dans la paix. Joseph patriarche du silence comme le nomme Alain Corbin, demeure muet dans les Evangiles. Pourtant, c’est la plus belle preuve d’amour. « Son silence est le coeur qui écoute, l’intériorité absolue. Cet homme a toute sa vie contemplé Marie et Jésus, et son silence est dépassement de la parole. » A la fois humilité et charité, Joseph nous apprend à écouter le silence de Dieu, à dialoguer dans un coeur à coeur. Le silence de Dieu n’est pas un désintéressement, une absence. Au contraire, il est présent parmi nous. Nous en avons la preuve tous les jours dans la beauté de sa création. Puis, Dieu nous a faits le plus beau des cadeaux : Jésus. Son amour est pour nous source de joie. Si le silence est d’or, il est aussi joie. Alors apprenons, à l’exemple de Joseph et de Marie, à revenir la nuit tombante contempler le berceau de l’enfant Jésus.
Publié dans Missio n°14 – décembre 2016