« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs »

Cette phrase du président de la République, Jacques Chirac, reste plus que jamais d’actualité. Elle a été prononcée le 2 septembre 2002, devant l’assemblée plénière du IVe Sommet de la Terre à Johannesburg, en Afrique du Sud. Presque vingt ans ont passé, notre planète connaît aujourd’hui des bouleversements climatiques irréversibles. Les générations à venir nous pardonneront-elles ?

« Notre attitude face au présent de la planète doit nous engager et faire de nous des témoins de la gravité de la situation. Nous ne pouvons pas rester silencieux face à la clameur lorsque nous voyons les coûts très élevés de la destruction et de l’exploitation de l’écosystème. Ce n’est pas le moment de continuer à détourner le regard indifférent aux signes d’une planète pillée et violée, par la cupidité du profit et au nom – de nombreuses fois – du progrès« , a écrit le pape François au président de la Colombie, M. Ivan Duque Marquez, à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, le vendredi 5 juin 2020.

Tout compte et chacun compte

Lorsque l’encyclique du pape François, Laudato Si’, a été publiée en 2015, les réactions – même en dehors de la sphère catholique – avaient été unanimes et encourageantes. Cinq ans après, aucune prise de conscience n’a émergé réellement. L’écologie n’est regardée que sous le prisme de l’environnement sans prendre en compte son intégralité. Le pape François l’a répété à de nombreuses reprises, Laudato Si’ n’est pas une encyclique verte, mais bien une encyclique verte, mais bien une encyclique sociale. Il ne suffit pas de trier ses déchets – même s’il faut le faire. « Tout est lié !  » : notre mode de consommation, notre mode de relation sociale, notre conception de l’homme dans sa globalité, dans son intégralité, de sa conception à la mort, dans son handicap, tout compte et chacun compte aux yeux de Dieu. Nous devrions écrire à nos yeux aussi, mais trop souvent, ces derniers temps, notre « vivre ensemble » est mis en danger, bafoué par un individualisme aigu.

Nous entrons dans une ère nouvelle, irréversible. La fonte de la calotte glaciaire au Groenland est définitive. Certes, les préhistoriens nous racontent que la terre a déjà connu des changements climatiques. Mais l’action de l’homme a accentué, accéléré le processus. Dans son livre, La coquille Saint-Jacques, sentinelle de l’océan, Laurent Chauvaud raconte que « le niveau sonore de l’Arctique ne cesse d’augmenter du fait de l’activité humaine, altérant la vie des mollusques« . En été, le niveau sonore double. « Le climat change, la banquise fond, mais les croisières en Arctique se multiplient qui proposent des expéditions pour contempler la catastrophe en l’accélérant.« 

Nous avons oublié la beauté de la Terre

Que laisserons-nous en héritage aux générations futures ? Selon une étude récente publiée dans la revue Nature, 300 millions de personnes pourraient être inondées par la montée des eaux, dont la conséquence sera l’augmentation de la pauvreté et de la détresse humaine. En France, un million de personne seraient concernées. Bordeaux ne produirait plus de vin, mais… de l’eau…

Bien souvent, nous sommes émerveillés par la beauté qu’offre la Terre. Mais savons-nous encore la regarder ? Savons-nous la partager ? Saurons-nous la transmettre ? La nature nous transmet une musique, des sons que nous n’entendons plus, couverts par l’activité constante de l’homme. Nous en avons oublié la beauté. Cette beauté qui unit les hommes, le temps. Elle suscite une émotion offerte. Attendrons-nous encore longtemps avant d’agir, de prévenir, de secourir ? Attendrons-nous longtemps de changer nos modes de vie pour plus de fraternité ? Attendrons-nous longtemps avant de demander pardon aux générations futures pour ce legs et la profanation de la Création ? Accepterons-nous longtemps de ne pas regarder la réalité en face, que l’homme n’est plus la mesure de l’homme ?

Publié dans Missio n°29 – septembre 2020